NATATION ET STIMULATION CÉRÉBRALE PROFONDE

par Guy AUBOIRE

Lorsque le traitement médical n’est plus suffisant dans la stabilisation de la maladie de Pakinson (1), les symptômes invalidants (périodes de blocage et mouvements involontaires) deviennent tels que la vie quotidienne en est fortement impactée.
On peut avoir alors recours à la stimulation cérébrale profonde (ou SCP) à haute fréquence.

La méthode, mise au point dans les années 1980-1990, consiste à implanter sous la peau un neurostimulateur relié à des électrodes placées à l’intérieur du cerveau sous le noyau sous-thalamique qui contrôle le mouvement. Cette stimulation peut être modifiée de façon à contrôler le traitement voire à l’interrompre.
Ce parcours a été celui d’un homme de 69 ans, cité dans le numéro du 7 janvier 2020 de la revue Neurology. Nageur accompli, il possède une résidence au bord d’un lac et décide un jour d’aller nager. Dopé par son nouveau traitement, il saute littéralement dans l’eau et …manque de se noyer. Il doit la vie sauve à un membre de la famille.
Le cas n’est pas unique : une femme de 59 ans, également nageuse expérimentée, a vu son handicap grandement amélioré grâce à la stimulation intra-crânienne.  Mais elle ne parvient plus à nager même avec l’aide d’un kinésithérapeute. 

Autre cas, celui d’une femme de 61 ans, encore une fois nageuse aguerrie, elle participait jusqu’alors à des compétitions.  Ses symptômes ont été clairement améliorés par la neurostimulation. Mais elle ne peut plus accomplir plus de 250 mètres dans l’eau et se plaint que son corps adopte une position « bizarre ».
Ces trois patients ont alors désactivé la neurostimulation. Les troubles liés à la natation ont aussitôt disparu mais les troubles moteurs sont réapparus. 
Neuf autres patients présentant ces mêmes difficultés ont été rapportés dans la littérature. Pour l’un d’entre eux, lorsque la neurostimulation était activée, le patient ne pouvait plus se propulser en avant dans l’eau, ni flotter sans être aidé. Ses membres inférieurs et supérieurs n’étaient plus synchronisés, son tronc pivotait de façon inhabituelle. Il parvenait tout-de-même  à nager lorsque le neurostimulateur était désactivé. Ses mouvements étaient à nouveau bien coordonnés dans l’eau.
On dénombre, depuis 20 ans, trois décès dans ces conditions. 
Pour les chercheurs, se pose le problème d’un traitement qui améliore sans conteste le confort quotidien des malades atteints de Parkinson en agissant sur une meilleure coordination des mouvements et qui, dans le même temps, semble désorganiser la coordination des gestes nécessaires à la natation au point de risquer la noyade. La neurostimulation interfère-t-elle avec les messages émis par l’aire motrice supplémentaire impliquée dans la nage ?

Un autre fait dans ces témoignages attire l’attention, qui n’est pas forcément d’ordre moteur, c’est la sensation que le corps adopte une position « bizarre ». Cela signifie-t-il que la perception du corps est aussi modifiée ou bien plus simplement que le contrôle du corps échappe à son propriétaire ? Les articles consultés ne le précisent pas.
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(1) La maladie de Parkinson est associée à des lésions des ganglions de la base qui jouent un rôle dans le contrôle moteur en permettant le déclenchement et l’amorçage harmonieux de mouvements volontaires. Ces structures profondes du cerveau reçoivent des informations de l’aire motrice supplémentaire (AMS), qui a des connexions avec le cortex moteur primaire. 
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Documents consultés : 
– Waldvogel D, Baumann-Vogel H, Stieglitz L, Hänggi-Schickli R, Baumann C. Beware of deep water after subthalamic deep brain stimulation. Neurology. 2020;94:1-3. doi:10.1212/WNL.0000000000008664
Maladie de Parkinson : quand la stimulation cérébrale profonde expose à la noyade.  Réalités biomédicales,  30 novembre 2019.

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